SCARS (eden)

Tu regardes autour de toi. Tu scrutes. Tu surveilles chaque pas que tu fais. Tu n'oses même pas regarder les gens, de peur de t'attirer des problèmes pour rien. La semaine dernière a été rude, trop rude pour toi, Stella. Il y a eu la fusillade juste en bas du studio de danse, la dispute avec Seth, Monsieur Martin est mort. Tu le connaissais à peine, c'était un vieux qui n'avait plus personne. Tu lui rendais visite une fois par semaine et la semaine passé, c'est lui qui n'était pas au rendez-vous. Tout ça en une seule et unique semaine. T'es consciente que Détroit, c'est moche maintenant. Enfin, au fond, tu l'as toujours su, c'est surtout que tu n'as jamais voulu l'avouer. Tout le monde te protégeait tout le temps et d'un côté, c'est comme ça que tu te protégeais, toi. Mais il a fallu que Seth explose, il a fallu que ton illusion se brise. T'es bien éveillée dans ce monde sinistre maintenant. Tu ne sais pas trop comment réagir, t'as l'impression que tout a changé, t'as l'impression d'avoir perdu quelque chose. Ton innocence, peut-être.

Tu changes de trottoir. T'es arrivée à destination. Ta mère t'a demandé d'aller chercher du lait et quelques légumes pour le repas de ce soir. Tu regardes les légumes étalés, tu prends un sac en papier et tu cherches les poivrons. Sauf que tu n'en vois aucun. Tu trouves ça étrange qu'il n'y ait pas de poivrons. Ça doit bien fait cinq minutes que tu es là, à regarder bêtement ces légumes sans trouver ceux que tu cherches. Tu soupires, en laissant tomber. Tu demanderas à Eden quand tu auras pris du lait. Tu rentres à l'intérieur et tu salues Eden d'un signe de la main et d'un demi-sourire. T'as pas trop la tête à en faire un entier, un qui soit sincère. En fait, si ça ne tenait qu'à toi, tu serais restée cloîtrée dans ta chambre encore plusieurs jours. Tu prends ta bouteille de lait dans un des frigos avant de te diriger vers la comptoir derrière lequel ton amie se trouve. Tu lui adresses encore un petit sourire, mais le cœur n'y est vraiment pas. « Dis, tu veux bien m'aider, si'l te plait ? Je ne vois pas les poivrons dehors ... » Tu poses le lait sur le comptoir en ressortant de la petite épicerie. Tu rescannes du regard l'étalage de légumes. Tu poses ta main sur ton visage. « Ah. Ils sont là. Ils étaient juste devant moi, en fait. » Tu lâches un petit rire. Tu ris de toi, de ta bêtise, Stella. Tu fais vraiment n'importe quoi. « Excuse-moi de t'avoir dérangée pour rien ... Je suis juste un peu fatiguée. » Fatiguée de cette ville. Fatiguée de te battre avec le peu d'espoir qu'il te reste. T'es juste fatiguée de tout, Stella.